D-La rédaction de Françoise
Maîtresse répondait-elle à un besoin ou à
une envie ?
-Un journaliste de la Tribune de Genève a rédigé
un très bel article sur Françoise Maîtresse. J.
Pache a comparé l'écriture du livre au théâtre
de Genet ou d'Arrabal. Il a aussi écrit : "Ce livre est
un livre -prégnant-". C'est un mot peu utilisé en
français qui correspond au mot anglais "to be pregnant",
être enceint(e). Françoise Maîtresse avait besoin
d'être accouché. C'était un besoin vital.
D- "Il faut un long chemin pour comprendre que nous, les femmes,
sommes encore un objet, et que si nous donnons l'impression que plus
aucun sentiment ne nous habite, ce sont les hommes qui l'ont voulu."
Le rôle de la dominatrice tel que vous le concevez peut-il être
apparenté à celui d'une personne qui défend la
cause des femmes?
J'ai toujours défendu les femmes exploitées. Je ne suis
pourtant pas d'accord avec les mouvements féministes, qui, partis
avec de belles intentions, ont trop souvent oublié qu'ils défendaient
la cause de la liberté de toutes les femmes. Les féministes
sont devenues sectaires et parfois puritaines. Une Dominatrice qui croit
en l'amour subi et fulgurant d'un sujet, sans autre preuve que l'offrande
du sujet lui-même, est bien naïve. Le jeu dominant/dominé
est une chose, l'amour en est une autre. Quand les deux fusionnent,
c'est très bien, mais si rare. J'ai toujours tout fait pour casser
les clichés. Je les trouve dangereux pour les jeunes femmes naïves.
D-"Il vivra des jours avec, sous ses habits masculins, une guêpière
et des bas portés par moi". De nombreux hommes aiment porter
de la lingerie féminine sous leur pantalon. Comment interprétez-vous
ce jeu érotique?
Si explication il y a, elles peuvent être multiples :
Transgresser l'interdit est certainement un des plus grand moteur érotique.
Vivre la peur en est un autre. Celle d'être découvert et
de vivre la honte au grand jour. Il y a le désir d'être
faible, esclave, enfant. Retourner une situation vieille de milliers
d'années, expier la domination sur la femme. Expier le massacre
des femmes qui revient régulièrement dans certains points
du globe. Prendre une complice femme pour mettre à mort l'image
du Père. L'image sur laquelle est fondée toute la morale
de notre société. C'est justement ces situations ambiguës,
le bras d'honneur par le renversement des valeurs- (le monsieur bien
qui devient monsieur Putain)-qui porte l'excitation de nos hommes masochistes
à son paroxysme. C'est une sorte de "Saturnale" moderne.
A l'époque, une fois par an on permettait à l'esclave
d'être le maître. Et donc, au maître de devenir esclave.
On avait déjà compris ce besoin "humain" de
retournement.
C'est aussi une part d'homosexualité refoulée. Et, qui
est accouchée par la dominatrice. L'homme putain se fait sodomiser
(avec un gode ou par un homme). Mais toujours avec la complicité
de la Mère permissive. Dans ce jeu à trois, non seulement
c'est la femme qui endosse la faute, comme avec l'histoire de la pomme.
Mais l'esclave est en sécurité. Il est comme Ulysse, attaché
au mât du bateau pour résister au chant des Sirènes.
Il veut se persuader qu'il ne peut avoir de relations homosexuelles
autrement qu'avec cette autorisation ou plutôt cette obligation.
C'est frôler les ténèbres, attaché dans un
baby bond. Le masochiste qui vit son homosexualité n'est pas
forcément celui qui se travestit et celui qui se travestit n'a
pas forcément envie d'une relation homosexuelle, même théâtralisée...
Ce que l'homme masochiste nous dis c'est : "Je ne suis pas homosexuel,
mais je suis obéissant"
Le masochiste finit par "enculer" les autres car il les oblige
à lui faire ce que lui n'oserait jamais faire de son propre chef.
D- "Je le déshabillais. Transformer un bel homme en grosse
putain ou en petite bonniche a le don de me plaire. "
Pourquoi aimez vous féminiser les hommes ?
C'est une attirance assez inexplicable. Je crois que les femmes portent
en elles les valeurs lunaires, les valeurs de la Grande Déesse.
Notre force consiste à savoir les comprendre et les exploiter.
Dans certaines religions antiques, le sexe a besoin de cérémonies.
Le sexe est sacré. Sans doute existe-il dans l'inconscient collectif
un besoin de changer de peau. Et, qui sait, remplacer sa peau de simple
mortel, pour une peau éternelle, peau de femme ou de latex. Il
se vit dans ces actes un mystère indicible. Notre passé
lointain serait-il chargé de ces rites vers lesquels nous sommes
entraînés quelle que soit notre éducation ? D'autres
possèdent sûrement ces penchants et les refoulent. Nous
sommes délirants pour les autres, et pourtant nous nous trouvons
fort normaux car bien humains.
D? "Qui n'a jamais enfermé la queue, agressive au non, d'un
mâle dans une culotte de soie ne peut comprendre." Selon
vous est?ce que les femmes d'aujourd'hui assument?elles leurs fantasmes
avec les hommes ?
Est?ce que beaucoup de femmes aimeraient féminiser un homme ?
Féminiser un homme pour une femme "normale" ne peut-être
un fantasme qui lui est propre. Elle le fait par amour. La Dominatrice,
elle, y trouve un plaisir complice. Elle aime être dans l'ombre,
mais surtout exister auprès d'un homme souvent important dans
la vie sociale, mais qu'elle ne peut posséder au grand jour..
Et lorsqu'une dominatrice tombe amoureuse, elle devient persuadée
qu'elle est la seule au monde à pouvoir faire vivre cela à
l'homme de sa vie. Faux, pour un homme brillant, il existe des femmes
prêtes à tout.
Cependant la majorité des femmes non pratiquantes ne supporteraient
ou ne comprendraient la féminisation de leur compagnon. La virilité
est la force supposée de l'homme et cette idée est ancrée
profondément dans les cervelles. . Et à force de vouloir
les hommes mecs, certaines en ont fait des monstres. Ces femmes ont
ce besoin de la protection de l'homme fort. Je respecte, même
si pour moi cette protection est trop souvent dérisoire. Notre
théâtre lui-même est envahi par de nouvelles dominatrices
révoltées sur le sujet de la féminisation de l'homme.
La mode du SM a hélas frappé. Et là, je ferais
volontiers référence au dernier film de Stanley Kubrik,
"E.W.S." dont la conclusion est "il ne faut pas tenter
de vivre les fantasmes que l'on n'a pas". Le refus de la féminisation
est paradoxal, car l'expérience prouve que la plus grande partie
des hommes masochistes aiment se féminiser et ne rêvent
que de trottoir, pour le faire, bien sur.
D- "Lorsqu'il en a terminé avec ses occupations professionnelles,
il change d'hôtel, s'installe à Pigalle, passe l'après?midi
chez une esthéticienne pour son maquillage, pour épiler
ses jambes, sa queue et son cul. Elle devient la belle Élodie.
Elle rejoint sa Maîtresse dans le Donjon." Un homme intégralement
épilé est?il plus désirable ?
Un homme intégralement épilé a un look moins viril,
c'est un fait, mais lorsqu'il est bien épilé, sa peau
est plus douce et il est plus sensuel. Et en plus un homme épilé
et fouetté immédiatement après, pas mal non ?
D"Je le veux dominé et tremblant devant mai ! Je vais le
dominer devant sa secrétaire 1 Par quelques phrases très
suggestives, je jetterai le trouble, l'étonnement, puis, tu verras,
le silence sera glacé. Mon regard sévère te rappellera
que tu dois accentuer les mouvements de rotation sur ton siège
de P.D.G.. ainsi le gode que je t'ai placé dans le cul te pénétrera
plus profondément."
La présence d'une voyeuse, complice nu potentielle, est?elle
importante dans la théâtralité du rapport de domination
?
Le masochiste est souvent, aussi, exhibe. C'est le cas de cet homme.
L'exhibe a besoin de spectat(eur) (trice) si possible non prévenu
(e). Alors que le voyeur cherche le spectacle. L'ambiguïté
pour l'exhibe c'est d'être observé par des non-voyeurs.
Il y a un attrait supplémentaire au fait que les spectateurs
soient innocents. C'est un peu comme le sadique et le masochiste, qui
ne peuvent réellement se rencontrer mais sont liés malgré
tout par une fascination certaine. Le vrai exhibe aurait besoin de personne
non consentante, mais l'exhibe dans ce cas là devient une violence
à autrui, ce n'est pas toujours simple. Dans le cas de la secrétaire,
elle ignorait son rôle, il n'y avait donc pas de violence. L'exhibe
cherche souvent la honte, moteur érotique, donc si la voyeuse
est hors de son milieu, la honte, la peur, viennent frapper de plein
fouet.
D- "Lui imposer une ceinture de chasteté ne fut u'un jeu.
Il dut ouvrir son cul pour prendre le gode obèse. Il ne restait
plus qu a attacher la ceinture, sans oublier de glisser sa queue entre
les anneaux destinés à l'empêcher de bander. Le
corset a suivi, serré comme il convient. Les bas ont complété
la panoplie. Femelle, il n'était plus un homme, mais déjà
une femme, disponible, au cul garni. Il ne me restait plus qu'à
le frustrer et à le contraindre. Je lui fis revêtir ses
apparats de mâle pour aller dîner en ville Quelles sont
les sensations procurées par une exhibition ou la possibilité
de cette exhibition ?
Sur cette question : elle s'adresse à vous. Que ressentez?vous
? Il est bien
d'analyser les motivations et les plaisirs de l'homme mais quels sont
vos plaisirs.
Le plaisir de la dominatrice est celui du voyeur. Mais me direz-vous,
seuls les hommes sont voyeurs. Depuis longtemps j'ai constaté
que la différence entre les sexes s'atténue dans ces rapports
particuliers. La femme masochiste peut avoir un comportement directif,
donc masculin. L'homme masochiste devient femelle, la femme dominante
devient fem-mec. Il n'y a donc aucune difficulté pour la femme
à prendre son plaisir dans le voyeurisme. Le sujet a peur, on
lit souvent la frayeur dans ses yeux. Mais c'est plus fort que lui.
Il avance, car la peur le met en transe, et aussi le regard des autres.
Ce regard qui peut nous faire souffrir dans la vie de tous les jours.
Mais qui paradoxalement devient dans ce cas précis, un objet
de plaisir.
Ce plaisir est très cérébral. La dominatrice apporte
beaucoup et il est souvent plus jouissif d'offrir que de recevoir.
D- Sur cette question, je m'intéresse à l'émotion
du soumis. vous avez expliqué ses motivations mais quelles sont
ses émotions. Qu'éprouve t'il ? Que ressentez?vous face
à cette émotion ?
"J'avais demandé à Petit Cul d'apporter une gabardine.
Il fut habillé en femme et, par?dessus ses vêtements de
fille, il mit un jean et sa gabardine. Il était harnaché,
pénétré par un énorme gode. Il devait porter
des bottines cadenassées. Les talons des bottines anglaises mesuraient
dix?huit centimètres. Nous partîmes ainsi faire quelques
achats dans un sex?shop parisien, rue Saint-Denis." Pourquoi les
soumis ont? ils un besoin d'être regardés dans de telles
situations ?
Parce qu'ils sont exhibés, qu'en s'exhibant ils ont peur, honte.
Mais ils sont follement excités.
Ils sont au bord du vide. Mais je les tiens.
Vous décrivent? ils leurs émotions lorsqu'ils sont découverts
?
Je les vois, mais vous regarderez à la fin de la page 43. Je
reste leur Mère au sens de la Déesse Mère, la protectrice,
je ne leur fais prendre que des risques savamment calculés. Je
suis la gardienne… Ils le savent.
"Dehors, la foule grouillait. Personne ne remarquait Petit Cul
maquillé. Soudain, une prostituée hurla grossièrement
: Regardez ! regardez ! Il en montrant du doigt les bottines de Petit
Cul. Il Regardez, regardez ! Un maso ! Il Petit Cul devint tout rouge,
il se tourna vers moi, malade d'une honte qui le faisait jouir. Ses
yeux m'interrogèrent. Je lui ordonnais de s'expliquer avec cette
dame avec autant de respect qu'il en avait avec moi."
Votre plaisir ?
Si mon premier livre était auto biographique, je crois que la
vraie nature de mon écriture est sûrement gothique, surréaliste…
baroque. C'est parce que je vis cela. Dans les Pornocrates (texte sur
la scène numéro 2) et dans une nouvelle que je suis en
train d'écrire. Je prends plaisir à retourner tous les
clichés de notre civilisation. Ce sont les femmes qui organisent
les jeux du cirque. Ce sont elles qui boivent et jettent leur verre
par-dessus l'épaule. Je suis complètement athée,
mais je me sens proche de certaines religions où l'Errant est
reçu comme un prince parce qu'il est le seul à penser,
où l'on respecte féminin dans l'homme, où la prostituée
est vénérée au temple.
C'est à cela que je joue avec "Petit Cul", lorsque
je lui demande en quelque sorte de vénérer la prostituée.
Mon plaisir ? Les regards, bien entendu, face à des situations
surréalistes. Je suis en même temps dans ce plaisir et
déjà dans l'écriture.
"Je l'emmène dîner chez mes amis et je le mets nu
sur la table, ses pantalons baissés sur les chevilles, pour l'humilier
plus encore, les mains derrière le dos, les pans de la chemise
relevés". Comment réagissent vos amies lorsque vous
exhibez un homme nu devant elles ? Éprouvent?elles un sentiment
de puissance ?
Sur cette question, j'aimerais connaître les réactions
de vos amies. Comment une femme vit-elle I'exhibition d'un soumis devant
elle ? Est?ce qu'elles l'apprécient ?
Vous parlez du chapitre Exhibe pour Françoise.
Je l'ai exhibé au cours d'un dîner chez moi en présence
d'une autre dominatrice et de l'équipe de Skin Two. Nous étions
du même cru. Et nous avons eu droit au respect du fantasme des
autres. Mais ce qui est plus excitant, c'est faire la même chose
en se rendant chez une vieille copine d'enfance un peu bourge et qui
a envie de s'encanailler. Très fière devant ses amis,
elle va exhiber, elle, Maîtresse Françoise.
Et là, le jeu peut-être génial…
"Je vais me remaquiller s'il te plait, ne le laisse pas débander".
Je m'absente vers la salle de bain. Il a débandé, car
la copine est soigneusement en train de le branler devant ses amis de
la rue de Passy. Alors que justement, il faut qu'il lise dans nos regards,
qu'il ne mérite aucune attention, que c'est honteux d'être
là, debout à poil. A poil sur la table au milieu de tout
ce monde, de mecs, de vrais, pas comme lui - sourire-. Tout se joue
dans le regard c'est hyper cérébral. Ces situations ont,
aussi, besoin de silences, personne ne doit bouger. Tout doit rester
figé.
Sentiments de puissance ? Sur le moment Oui, peut-être…
Mais lorsqu'elles sont curieuses de ce monde, elles sont "dépassées".
Je suppose que vous répondez à cette question dans la
réponse "Je ne suis pas homosexuel' (non) mais malheureusement
vous ne décrivez pas ce que vous ressentez. ? Avec ses cordes,
elle mettra Rocky à genoux, vêtu de bas, de porte?jarretelles.
Il l'appellera Maîtresse et embrassera ses pieds. Elle l'attachera,
forte d'un bondage savant qu'elle sait faire. Il sera nu, offert. Elle
profitera de son sexe sans lui laisser le moindre espoir d'arriver à
l'orgasme. Il sera harnaché, elle l'engodera Que ressentez?vous
lorsque vous sodomisez un homme ? Comment expliquez?vous le désir
des hommes d'être pénétrés par une femme?
Ils demandent à théâtraliser leur homosexualité
latente(voir plus haut)
Lorsque je sodomise un homme je ressens son plaisir. Le plaisir, comme
le rire, c'est communicatif. Il m'arrive dans des relations privilégiées
de mettre une ceinture gode avec un gode pour moi et pour lui, de chercher
mon propre orgasme physique intérieur. Mais ce qui est un très
grand pied, c'est ce constat de retournement, sentir l'homme vulnérable
avec tout ce qu'on lui a appris et qu'il applique en trahissant sa propre
nature. Il refoule son féminin latent. Pourtant, il a besoin
de vivre une forme de faiblesse, de régression. L'être
humain est comme une rose qui a besoin de lumière pour exposer
son corps, sa vie. Et il a besoin de vivre dans sa terre originelle,
-comme la rose y nourrit ses racines-, dans les abysses de ses pulsions.
Seule la dominatrice peut l'y accompagner.
La question peut être reformulée. Le fait pour un homme
de porter un plug est un plaisir totalement égoïste où
bien la maîtresse éprouve t'elle également une satisfaction
? ? "Je lui ordonnai, en le quittant, d'acheter des anus picket
(gode anal) à taille progressive, de les changer régulièrement,
de dormir toutes les nuits empalé, et de revenir quand le travail
serait fait." Vous demandez à plusieurs soumis de conserver
des godes anaux, qu'ils soient dans une maison, dans la rue ou au bureau.
Quelles satisfactions vous procurent ces pénétrations
à distance ?
La possession, là il y a un sentiment de puissance, mais de puissance
très factice. Mais on ne vit que d'illusions quand on l'a compris.
On cherche les moments de bonheur dans la chimère..
Je pense que cette question mérite une réponse, la situation
du plaisir ne doit pas être oubliée. Allez, mesdames !
Baissons?lui sa culotte à mi?cuisses ! Viens, que je t'immobilise
en enroulant mon bras autour de ta taille ! Je vais sentir ainsi ton
ventre et ton sexe. Enfin, tu vas prendre la fessée que tu mérites."
Est?ce qu'une fessée, ou tout autre châtiment, crée
un plaisir réciproque entre le soumis et la dominatrice ?
Là, je suis en pleine mise en scène, il y a une vraie
notion théâtrale. Le plaisir est dans cette situation et
encore dans les coups de regard. Et la fessée est sensuelle pour
l'un comme pour l'autre.
"Le fouet qu'il reçoit siffle sur son corps et dans nos
tripes, le long fouet qui claque sur son corps, claque dans nos ventres.
Le son du cuir fait gonfler les lèvres de mon sexe, et je m'allonge
sur lui, ma lourde poitrine collée sur son dos, mes jambes le
long de ses jambes. Je suis en body de latex. Je sens les battements
de son corps et de son âme, je respire l'odeur de sa peau meurtrie.
C'est terriblement sensuel." La sensualité est?elle omni
présente lors de vos jeux
Tout à fait, Et le fouet est particulièrement sensuel,
c'est une matière animale. Et donc voilà une situation
plus charnelle que les autres.
Je n'ai jamais caché mon masochisme. Et si je ressens un plaisir
intense à fouetter, c'est que je le vis au même moment,
comme si j'étais aussi fouettée. Mon amie américaine
que j'appelle la Reine (dans mon livre) est complètement ambivalente.
Il lui arrive de se coller à un corps d'homme que l'on fouette.
Elle le tient serré. Elle donne vraiment l'impression d'être
fouettée avec lui.
Je crois que je ressens le fouet ainsi.
D-Sur cette question : comment ressentez?vous cette abstinence ?
Laisser l'homme dans l'espace du désir, le plus longtemps possible.
Dans ce temps, nous sommes Déesse. C'est un moment volé
à l'éternité.
D- éprouvez?vous de l'estime pour ce soumis ?
Bien sur que oui, pourquoi en serait-il autrement ?
"Il portera jusqu'au lendemain, tard dans la nuit, une ceinture
de chasteté. Il sera contraint, soumis à sa volonté,
entre les mains de la Dominatrice". L'abstinence de l'homme pour
la dominatrice est un témoignage d'amour ou une marque d'appartenance
?
Il est rare qu'il s'agisse vraiment d'amour. Appartenance séduisante
l'espace d'un moment.
Sur cette question : je pense qu'une réponse est importante.
Est?ce un don ? ? "L'homme fut fessé, il se branlait pour
arriver à l'orgasme, tandis que la Reine lui parlait... Je me
suis installée derrière lui. j'ai palpé ses seins.
Il a joui.
" Comment percevez?vous la jouissance de l'homme soumis ?
Un orgasme volé, parce que archi interdit, donc décuplé.
"Le théâtral masochiste me fascine. Je suis une théâtreuse
qui a loupé la marche. J'aime parler âmes esclaves de notre
fascination, de notre sexualité bizarre, de nos vies de baladins
pervers. Tous les jours, je monte sur les planches". Vous êtes
l'actrice principale de votre pièce mais qui est le véritable
metteur en scène, vous au le soumis ?
A première vue, c'est bien sur la dominatrice. Mais lorsque l'on
y regarde de plus près, c'est bien lui le metteur en scène
et nous sommes les actrices.
Sur cette question : je pense que nos lectrices seront intéressées
par votre réponse. ? Vous avez exploré l'intimité
de l'âme des hommes, ils vous ont avoué ce qu'ils cachaient
au fond d'eux?mêmes. Comment doit se comporter une femme pour
être respectée et désirée par les hommes
?
La distance, l'homme ne désire plus lorsqu'il possède.
Etre dominatrice est un des meilleurs moyens d'apprendre à se
distancier, je ne connais qu'un moyen : la distance.
"Ciré noir", noir", "l'hétaïre"
96450155, "Strip?Poker", "Mozart"... Qu'éprouvez?vous
pour tous ces hommes qui se sont jetés à vos pieds en
vous confiant leurs fantasmes les plus secrets.
Je les aime beaucoup, la plupart m'ont beaucoup apportée. Je
suis devenue dominatrice car mon esprit l'emportait. Les hommes que
j'ai rencontrés, que je rencontre sont souvent brillants. Je
n'ai rencontré que très peu d'hommes masochistes mal comprenants.
Il en existe peut-être ! De ceux qui sont sur les strapontins
à nous regarder à travers la petite lucarne du Minitel
?
Mozart c'est Houdini. Il a besoin d'être hyper contraint de façon
à ne plus bouger du tout. Ce qu'il y a d'amusant, c'est que l'on
trouvait tout à fait normal les exhibitions de Houdini, par contre
essayez d'expliquer aux autres qu'un homme bande jouit, des qu'il voit
une camisole psychiatrique ! Qu'il rêve d'être enlevé
par des infirmières psy complètement déjantées
et qui le garderaient de force, et vous aurez du mal à le faire
admettre…
Idem pour Strip poker, ce qui le fait jouir, c'est ce qui lui fait le
plus peur. C'est imaginer que le piège se referme et qu'il est
dévoilé, il imagine sa honte et il en jouit.
Je ne peux pas tout développer.
Je me sens si proche d'eux. Car j'ai aussi rêvé de situations
extrêmes. Je vis en pleine complicité avec eux, dans la
quatrième dimension. Je suis "La confesseuse de l'inavoué"
Franchement ce sont des jeux d'enfants. Le Donjon est un parc d'attraction
pour adulte.
"Elle saisissait son partenaire par les cheveux, en bas de la nuque,
le traînait
ans la cuisine, où elle lui rentrait un chapelet de balles dans
son cul de dinde et dans sa bouche. Elle plaçait des bouquets
de thym sous ses bras et de l'ail dans ses oreilles et ses narines.
Puis elle le ficelait. Cet homme avait bricolé un four à
sa taille, à l'aide d'un bac de douche en plastique et de trois
planches en Plexiglas. Il y avait des boutons pour régler la
température et un éclairage interne. Une fois qu'il était
à l'intérieur, sa Maîtresse devait circuler devant
le four en cuissardes vernies, talons aiguilles, body de cuir, mais
devait conserver une attitude normale de bonne femme d'intérieur
qui prépare un dîner." L'histoire de l'homme dinde
est extraordinaire, un imagine sans peine le plaisir des dominatrices
à devenir les actrices de cette mise en scène. Etes?vous
souvent touchée ou passionnée par les fantasmes des hommes
?
Tout d'abord, j'aurai adoré vivre cette scène avec d'autres
dominatrices. Vous avez raison cette histoire et l'une des plus insensée
que j'ai vue ou entendue. Dans l'histoire de la dinde c'est une sorte
de JEU
de cannibalisme retourné, toujours la recherche de la fusion
avec la femme ventre.
D- Dans "Françoise Maîtresse, vous décrivez
avec franchise vos envie et vos expérience de soumission, quels
ont été les apports de cette période ?
-Ce qui m'a le plus tenue à cœur dans l'écriture
de ce livre, c'est son authenticité. D'autre part, s'il existe
pour moi un mot tabou, c'est le mot "soumission". Je suis
masochiste, comme tous les êtres humains. Par contre peu d'entre
eux découvrent le masochisme ludique, tel que je l'ai découvert
très jeune. Personne ne m'a initiée. J'éprouvais
le besoin de me faire attacher et fouetter par mes partenaires, et jamais
à l'époque, je n'ai baptisé ma sexualité.
Je me trouvais très cérébrale. Et du reste avant
que l'on nomme cette sexualité "masochiste", Masoch
lui-même se nommait "supra sensuel", ce qui signifie
au-delà de la chair, donc dans l'esprit. Ce que cela m'apportait
? Une jouissance extrême que je ne trouvais pas autrement.
Projets ?
Vous me demandez si j'écris un second livre ?
L'écriture est un voyage dangereux. C'est exactement le même
chemin que lorsque l'on dépasse le masochisme social et qu'on
le retourne en un masochisme sexuel et ludique. Sortir de ses affects,
pour enfin les revivre dans la transe et les écrire.. Il faut
vivre la pré-extase que Baudelaire appelait la paresse créative.
Pour être un travailleur de l'inconscient, il faut trouver son
trou. Pour moi, ce fut, enfermée dans ma chambre, la nuit sans
bruit. Mon portable, ma machine à remonter le temps était
presque dans mon ventre. Des heures ainsi, sans pisser, sans manger,
sans dormir, je sais que j'avais commencé à six heures
du soir, douze heures étaient passées, j'avais l'impression
d'avoir été en apesanteur, un chapitre était fini..
Dans cet état de conscience, les problèmes du quotidien
disparaissent, on devient plus fort, mais on touche les confins de la
vie. Reste ceux qui nous aiment et ce voyage, je ne sais si je le referai
un jour. Pourtant ce livre existe dans ma tête, et sur mon ordinateur,
il est en puzzle. Il faut le construire, en tous cas, si je repars cela
sera en toute sécurité. Ma sexualité plurielle
et l'écriture de mon premier livre m'ont permis d'écraser,
d'enfermer, de verrouiller les douleurs de ma vie au plus profond de
mon âme pour ne plus les entendre hurler !
Propos recueillis par Kyle Reese
Françoise Maîtresse. Éditions Digraphe. Mercure
de France
Disponible ou à commander chez tous les bons libraires.
Maîtresse Françoise
nous informe qu'une cassette pirate intitulé "Maîtresse
Françoise" a été frappée d'interdiction
à la vente par le tribunal de Paris. Cette cassette a été
produite à l'insu de l'auteur du Livre Françoise Maîtresse.
Certains sexe shops risquent de la posséder encore, mais il s'agit
d'une contrefaçon.
1/ "Françoise Maîtresse" en poche, librairie
"La Musardine" collection Pauvert Lettres érotiques
2/ "Françoise Maîtresse" fera partie du cinquième
tome (1985 2000)
de l'Anthologie des lectures érotiques de Jean Jacques Pauvert
aux éditions Stock.